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2014 - PINOCCHIO

Du 15 juillet au 9 août 2014
18 représentations
15.000 spectateurs

Mise en scène : STEPHEN SHANK
D’après le récit de CARLO COLLODI
Adaptation : PATRICK de LONGRÉE

Un spectacle enfants admis, et ravis, qui ne doit rien au père Disney
… Du bon « vieux » théâtre, avec tous les ingrédients des tréteaux, masques et costumes griffés Thierry Bosquet, accessoires de carton, les plus simples donc les plus ouverts (Eugénie Obolensky). Il sont 12 comédiens qui croquent leur 70 personnages sur le vif, les rhabillent et les déshabillent au fil des rôles. Ils s’approprient l’espace en se déployant ou s’agglutinant, formant un chœur (en bleu de travail) qui apparaît et s’évanouit par magie, jonglant avec des trappes, s’étageant sur des pentes… (décors de Patrick de Longrée)… Le lumière de Christian Stenuit assume la magie du lieu, l’habille de projections, lui donne des ombres lunaires, des éclats de feu. La musique choisie par Stephen Shank, orchestrée et mise en ondes par Laurent Beumier, un as du décor sonore, mixte Aznavour, Sinatra, Presley, Nino Rota, Queen, Gershwin et bien d’autres encore, entre cinéma, chanson, opéra, une musique généreuse qui prend en relais le non-dit, les ambiances, les transitions et donne un petit air de comédie musicale à Pinocchio, d’autant que la danse chorale y même ses entrechats. Parmi ces bateleurs de l’abbaye, une étoile, une de ces apparitions dont on se dit que c’est lui et personne d’autre : Maroine Amimi, déjà fêté au Prix de la Critique. Il est pantin de bois, il devient sale gosse, qui n’en fait qu’à sa tête, tendre, cruel, paresseux, qui tire plus d’une fois sur les moustaches de la mort et s’incarne enfin, non sans une pointe de regret, en « un petit garçon comme il faut » …
Le Soir

AFFICHE & PHOTOGRAPHIES

La célèbre marionnette a enchanté les ruines dans une version ébouriffante aux allures de farce
… Des costumes extravagants, des visages enfarinés, un chœur antique de type burlesque, un jeu physique… pas de doute, la commedia dell’arte est venue glisser quelques-uns de ses principaux ingrédients dans la soupe villersoise cette année… Le spectacle est bondissant et enlevé, les personnages jaillissent et disparaissent sans préavis, servi par les magnifiques éclairages de Christian Stenuit, sur les pierres nues de l’abbaye, ce Pinocchio ne provoque pas de baîllement chez les enfants, même après 23h. Pari tenu pour le premier spectacle familial à Villers…
L’Avenir

Cette année, la véritable histoire de Pinocchio prend vie à Villers-la-Ville
… Pour cette nouvelle mise en scène estivale signée Stephen Shank, la réalisation a installé la plus grande scène jamais réalisée pour une production théâtrale dans l’abbaye. Une installation scénique en étages déployée sur plus de 120 mètres. Les comédiens aux costumes baroques chatoyants apparaissent au gré du spectacle entre les étages ou les arcades de pierres anciennes formant le fond de la scène… Le jeune acteur Maroine Amimi monté sur ressorts incarne avec excellence le pantin de bois…
La Libre

Villers offre son propre univers à Pinocchio, des farces et de la danse
… L’adaptation reste très originale. Au moment de la transformation du pantin en petit garçon, le comédien qui incarne Pinocchio avec une énergie et une fantaisie débordantes, Maroine Amimi, est réellement éblouissant. Cette scène tourne à la chorégraphie et ce n’est pas la seule. Ce spectacle a un côté comédie musicale… Il y a aussi de somptueux costumes, celui de la fée notamment…
La Dernière Heure

LA DISTRIBUTION

MAROINE AMIMI : Pinocchio
PASCAL RACAN : Le Roi – Maître Cerise – Le Renard – Le Brigand – Charon – Le Thon – La Compagnie
DENIS CARPENTIER
 : Le Grillon – Un Enfant – La Compagnie
CÉDRIC CERBARA
 : Un Médecin – Un Fossoyeur – Un Enfant – Un Rameur – Un Brigand – La Compagnie
TONI D'ANTONIO
 : Mangefeu – Le Directeur de Théâtre – Un Poisson – Un Enfant –La Compagnie
MARC DE ROY
 : Le Chat – Un Brigand – Un Médecin – Un Fossoyeur – Un Enfant – Un Poisson – La Compagnie
VINCENT HUERTAS
 : Un Gendarme – Un Voisin – Un Garçon d’Auberge – Arlequin – Un Médecin – Un Fossoyeur – Un Enfant – Un Poisson – La Compagnie
JEAN-LOUIS LECLERCQ
 : Gepetto – Un Médecin – Un Fossoyeur – La Compagnie
PETER NINANE : Lumignon - Un Gendarme – Un Médecin – Un Fossoyeur –Un Poisson – La Compagnie
BENOIT PAUWELS
 : L’Aubergiste – L’Ouvreur – Le Convoyeur – Polichinelle – La Compagnie
SYLVIE PEREDEREJEW
 : La Fille – La Jeune Fille – La Fée Reine – Colombine – La Chèvre
JEAN-FRANÇOIS ROSSION
 : Le Directeur du Cirque – Un Médecin – Un Fossoyeur – Un Enfant – Un Poisson - La Compagnie

L’ÉQUIPE DE RÉALISATION

 Mise en scène : STEPHEN SHANK
D’après le récit de : CARLO COLLODI
Adaptation: PATRICK de LONGRÉE
Dramaturgie : STEPHEN SHANK
Assistant à la mise en scène : LUIS VERGARA SANTIAGO
Création des Costumes : THIERRY BOSQUET
Scénographie : PATRICK de LONGRÉE
Création des Lumières : CHRISTIAN STENUIT
Création des Accessoires : EUGENIE OBOLENSKY
Confection des costumes : COSTHEA
Décor sonore : LAURENT BEUMIER
Création des Maquillages : DJENNIFER MERDJAN
Concepteur des Bagarres : CÉDRIC CERBARA
Assistante à la Réalisation : SYLVIE PEREDEREJEW
Régie de plateau : DAVID DETIENNE
Régie tops : LUIS VERGARA SANTIAGO
Régie lumières : DIDIER COUNEN – LUC DE CLIMMER
Régie son : BENOIT DAGNELIES – SYLVAIN ROBYNS
Habilleuse : MARIANNE BRACONNIER
Construction des décors : JEAN-JACQUES ALLART – OLIVIER DE BONDT – FRANCIS DEBON – DAVID DETIENNE – PHILIPPE HAZEE – OLIVIER WATERKEYN
Peintures des décors : OLIVIER WATERKEYN
Maquilleuses : LAURE BERTHOLD – SAORI MATSUI
Installation son et lumières : CHRISTIAN AIGEUR – YANN BOELS – DIDIER COUNEN – STEVE DAULNE – DIDIER DEWAELE – JONATHAN GROGNARD – JOEL VANDENBERGE – PHILIPPE VAN DERPERREN – DAVID VERBORG
Graphisme : DAVID-SAMUËL COURTOIS
Responsable jobistes : BENJAMIN DELISSE
Accueil reservations : SANDRA BRENDERS

Produit par RINUS VANELSLANDER & PATRICK de LONGRÉE

LES AVENTURES D’UN PANTIN

De bois et de chair. Un jour, tombée de l’arbre auquel elle était attachée depuis fort longtemps, la branche que ramasse le vieux Geppetto renferme un tel désir de vivre qu’elle se met à parler. Il décide d’en tirer un pantin de bois qu’il va appeler Pinocchio. Mais le pantin s’agite et part à la découverte du monde. Pourquoi se fatiguer à user ses culottes sur les bancs d’école alors qu’il suffit d’apprendre en allant au théâtre de marionnettes, de devenir riche en plantant ses écus dans un champ, ou de s’amuser au pays des jouets ?

Et il se laissera rapidement entraîner dans de rocambolesques aventures en croisant le montreur de marionnettes Mangefeu, le Grillon qui tente de le remettre dans le droit chemin, le Chat et le Renard qui le poursuivent et le pendent. La Fée bleue le sauve. Son nez s’allonge à chaque mensonge … Il part ensuite avec son ami Lumignon pour le Pays des jouets, et ils sont transformés tous les deux en ânes. La Fée le sauve à nouveau et il part à la recherche de Geppetto qu’il retrouve dans le ventre de la baleine. Finalement, la fée coupera les fils du pantin qui deviendra un véritable petit garçon ...

Le seul métier qui l’intéresse est celui de vagabond ; il lui permet de s’amuser du matin au soir. Il rejette l’apprentissage, l’éducation, la famille et le travail. Pour Pinocchio rien n’est jamais définitif, pas même la mort. Et il y est confronté : la fée ressort de sa tombe et Geppetto du ventre de la baleine ! Pinocchio est ainsi un rêve d’enfant où ceux que l’on aime ne meurent jamais. Libre, drôle, jamais fatigué, aussi à l’aise pour parler aux hommes qu’aux animaux, aussi heureux dans les airs que sous l’eau, il est, comme beaucoup d’enfants, aussi paresseux que généreux et aussi joyeux qu’il peut être désespéré de perdre l’amour de ceux qu’il aime mais néglige.

Ce n’est qu’après bien des mésaventures et déconvenues qu’il saura se méfier des gredins de grand chemin, des voleurs d’enfants et autres bonimenteurs, pouvant à la longue contrôler lui-même la longueur de son nez … C’est ce Pinocchio-là, histoire à la fois effrayante, déchirante et en même temps extrêmement drôle et fantasque qui sera portée sur les scènes de Villers-la-Ville. Une histoire à laquelle tous les enfants et les adultes qui ont déjà été pris dans un dilemme, qui ont déjà dû mentir à ceux qu’ils aiment, ne peuvent manquer de s’identifier, le cœur battant.

À propos de l’œuvre. Les Aventures de Pinocchio, Histoire d’un Pantin est le chef-d’œuvre incontesté de la littérature enfantine italienne. Au départ, La Storia di un Burattino (Histoire d’un Pantin) paraît en feuilleton dans le Giornale per i Bambini, hebdomadaire fondé à Rome par F. Martini et dirigé par Guido Biagi, à partir du premier numéro (7 juillet 1881) jusqu’en janvier 1883, avec plusieurs interruptions. « Je t’envoie cette « bambinata » (gaminerie) écrit Collodi à Biagi ; fais-en ce que tu veux ; mais si tu la prends, paie-la moi bien pour me donner envie de la continuer ». Effectivement, Collodi termine à plusieurs reprises brutalement son feuilleton, notamment en crucifiant Pinocchio, mais le jeune public proteste. De là, la légende suivant laquelle il s’agit d’une ouvre bâclée, et que l’auteur n’aurait composée que pour éponger des dettes de jeu. Le texte est publié en volume sous le titre Le Avventure di Pinocchio, par l’éditeur Piaggi, en 1883.

Les recherches récentes ont montré que ces interruptions ainsi que les incohérences de l’œuvre ont un tout autre sens : elles prouvent au contraire qu’il s’agit d’un texte où l’auteur se livre tout entier, avec des réticences et des pudeurs. Les références perpétuelles au folklore toscan pourraient bien être le signe qu’il s’agit aussi d’un texte autobiographique, où l’artiste exprime ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, ses contradictions, ses arrière-pensées et ses obsessions.

Les analyses sont multiples. « Le bois dont est taillé Pinocchio, c’est l’humanité » écrit Benedetto Croce dans Letteratura de la Nuova Italia. D’autres notent que l’œuvre est construite tout entière comme la Bible, sur la théorie de la désobéissance, du salut et de la rédemption. Autre interprétation : l’éducation est moins, en fin de compte, une affaire de conseils venus de l’extérieur que d’expérience concrète : c’est une prise de conscience. « Pinocchio semble écouter toutes les recommandations mais n’en fait qu’à sa tête ».

Autre notation sans doute capitale : le bilan que tente Pinocchio qui n’est plus Pinocchio à la dernière page du livre et qu’il faut peut-être lire par antiphrase : « Comme j’étais amusant quand j’étais un pantin… et comme je suis content à présent d’être devenu un petit garçon comme il faut ». Cette mélancolique profession de foi fut reprochée à l’auteur. « C’est possible, répondit-il, mais je ne me souviens pas d’avoir terminé ainsi ».

L’immense succès de Pinocchio semble du à cette ambiguïté : les parents et enseignants apprécient sont « moralisme » ; les enfants au contraire sont heureux de retrouver en lui le bois dont ils sont faits ; ils projettent sur ce personnage toutes les envies de désobéissance qui entrent dans leur volonté de vivre.

L’AUTEUR : CARLO COLLODI

Une vie de Lettres. Carlo Lorenzini (de son vrai nom) est né le 24 novembre 1826 à Florence ; il y meurt le 26 novembre 1890. Il est l’aîné d’une famille de dix enfants; son père est cuisinier et sa mère domestique des marquis Ginori-Garzoni qui ne cesseront de protéger la famille Lorenzini. Après des études de Rhétorique et Philosophie, il travaille comme commis, puis comme rédacteur à la librairie Piatti de Florence. En 1848, il combat en Lombardie avec les volontaires toscans engagés dans la première guerre d’indépendance contre les Autrichiens et il fonde le journal satirique et libéral Il Lampione.

Durant ces années, il écrit des romans et des pièces de théâtre, en prenant le pseudonyme de Collodi, du nom du bourg natal de sa mère (en Toscane). Il continue à écrire, même lorsqu’il devient employé, à partir de 1860, à la commission florentine de censure théâtrale (lui, dont le travail a été censuré !). Il écrit alors dans de nombreux journaux, notamment La Nazione, Il Fanfulla et La Gazetta d’Italia. En 1872, il connaît un succès au théâtre Niccolini à Florence avec sa comédie L’Onore del Marito.

En 1875, il débute sa collaboration avec les libraires-éditeurs Paggi, spécialisés dans la littérature pédagogique, qui publieront, outre Pinocchio et plusieurs recueils d’articles, tous ses livres scolaires : traductions des contes de Perrault et de Madame Leprince de Beaumont, rajeunissement de la série des Giannettino du pédagogue Parraviccini. Dans le sillage de ce livre, paraissent entre 1878 et 1881 une série de romans plus ou moins pédagogiques : Minuzzolo, L’Abbaco di Gianettino, La Geografia di Gianettino, La Grammatica de Gianettino, Il Viaggio de Gianettino per l’Italia, etc. Pourtant l’homme Collodi, malgré son intérêt pour les théories pédagogiques, en était méfiant. Il y voyait une menace à la liberté individuelle.
La tension entre obéissance et liberté, éducation de groupe et liberté individuelle, est un des grands thèmes centraux de Collodi dans Pinocchio qui est, on ne peut le nier, un conte sur la transgression et la nécessité de conformité.

En 1878, il est nommé Chevalier de la Couronne d’Italie et en 1881 il prend sa retraite de fonctionnaire préfectoral. Il débute alors, dès 1881, la parution en feuilleton des Avventure di Pinocchio dans le Giornale per i Bambini ; le dernier chapitre paraîtra en 1883. Et cette année-là sortira la première édition, illustrée par Enrico Mazzanti, des Aventures de Pinocchio en volume comprenant les sommaires des trente-six chapitres.

Collodi écrit encore par la suite Occhi e Nasi, Storie Allegre, Note Gaie et Divagazioni critico-umoristiche. Ces deux derniers ouvrages connaissent une publication posthume, car la mort de Collodi survient à Florence en 1890, alors qu’il préparait un nouveau roman pour enfants.

Une œuvre inclassable. On peut se demander à quel genre littéraire appartiennent les Aventures de Pinocchio. La discussion à ce sujet est probablement interminable. Prenons l’avis de Patrick Roegiers (qui adapta et mit en scène l’œuvre en 1976 avec le Théâtre Provisoire) : À nos yeux, Pinocchio est le contraire du conte innocent et merveilleux que l’on s’obstine à nous présenter depuis trois quarts de siècle. Il s’agit pour nous de restituer, d’urgence et au plus grand nombre, le contenu profondément subversif, anarchique et violent, fantasmatique et terrifiant du conte de Collodi. Bref, l’opposé de la version droitière et récupératrice qu’en donna Walt Disney.

Si Collodi inaugure son récit par une référence à la convention et à la tradition du conte de fées (Il était une fois …), c’est surtout pour faire un gag et pour prévenir par cette fausse piste immédiatement dénoncée de l’originalité de son projet. Car Pinocchio, comme toute œuvre vraiment forte, est probablement inclassable, ou définit son genre à elle seule. Le roman de Collodi tient à la fois du genre épique et du genre picaresque, et peut sans conteste figurer dans la catégorie des récits d’aventures. L’aventure n’est pas seulement thématique dans Pinocchio, elle est aussi formelle ; il y a une aventure dans le langage même. C’est un texte qui va à l’aventure.

Pinocchio évolue dans des paysages qui n’ont pas de définitions, ou des définitions univoques, ou floues. Les personnages eux-mêmes ne sont pas vraiment décrits et se prêtent à un grand éventail d’interprétations par l’imaginaire. Gérard Genot (dans son livre Analyse structurelle de «Pinocchio») : On a observé que les descriptions de Pinocchio ne sont pas des déviations ; en fait, elles motivent une action, elles ne sont que la mise en place d’un objet qui sera ensuite utilisé ou interprété dans la suite immédiate de l’action. C’est là, nous semble-t-il, qu’il faut chercher la raison de cette vie intense, mais subconsciente, des données perceptives de Pinocchio. Le caractère lacunaire des descriptions collodiennes offre donc une grande liberté à l’imagination.

METTRE EN SCENE « PINOCCHIO »

Pinocchio dans les ruines de Villers la Ville. Comment ? Une compagnie s’installe et lance un spectacle. Elle est interrompue par un nouveau petit jeune et elle le met à l’épreuve de la performance.  Comment intégrer ce nouveau venu? Faut-il l’intégrer ? Comment le tester ? Rien de plus simple ! Tenter d’assumer le rôle qu’on lui donne en improvisant face aux mauvais tours qu’on lui concocte, aux bâtons qu’on lui met dans roue. On l’acculera à jouer son propre rôle et on improvisera les aventures qui le mettront en danger, le testeront, lui poseront dilemme. On le forcera ou on l’inspirera à faire des choix. Un apprentissage rituel et la connivence de dix acteurs et d’une actrice pousseront le petit Pinocchio à trébucher, avancer, trébucher encore et à se positionner entre conformité et transgression, entre action commune et liberté individuelle.

Pourquoi ? « Il était une fois, un roi. Non, vous vous trompez… Il était une fois un morceau de bois. » Lorsque j’ai lu ces premiers mots de l’œuvre originale de Collodi Les Aventures de Pinocchio, Histoire d’un Pantin, je savais qu’il y aurait sur scène un morceau de bois. Je savais aussi qu’il y aurait un roi. Le Roi serait Claudius, le beau père d’Hamlet, ce roi qui élimine son frère et se disjoint devant la lutte acharnée entre raison et nature. Le morceau de bois serait une branche d’arbre, cueillie dans les bois de Villers. Le roi serait la raison, le bois serait la nature.

En 1995, Villers accueillait Hamlet qui observe, écoute et pense. Vingt ans plus tard on y découvre Pinocchio qui écoute peu, voit tout et agit. Grande tragédie de notre occident édenté, Hamlet s’écrie : « Le monde est détraqué. O malédiction que je sois né pour le remettre en ordre. » On découvre chez Shakespeare un être commis à une grande action et incapable de l’accomplir. On a dit qu’Hamlet est piégé entre savoir et agir, une tension qui génère une impuissance: plus et mieux il sait ce qu’il doit faire, moins il lui est possible de le faire.

Avec Pinocchio, on démasque une âme curieuse, instinctive, anarchique, prompte à rejeter chaque charge qu’on lui impose et découvrant petit à petit comment gérer les occasions qui lui sont offertes.  Hamlet et Pinocchio, le pile et le face d’un même personnage, l’un qui tente et qui tombe, l’autre qui trébuche, rit, se relève et se met en marche.

Pinocchio trie; il ne se paralyse pas. Face à ses incapacités, il agit. In fine, il choisira l’originalité et la liberté individuelle au sein d’une communauté solidaire.

L’histoire de la vie. Plus je lisais Collodi, plus je regrettais la lecture de Walt Disney qui nous a précédé et subsiste encore aujourd’hui comme référence majeure. Enfant, j’étais resté hésitant devant cette histoire légère aux couleurs de livres de coloriage ou de peinture chiffrée, moi qui aimais la peinture épaisse, les tubes de couleurs, les fresques larges, les mosaïques fines et les prisonniers bruts et esquissés de Michel-Ange à l’Accademia de Florence. Je ne m’y retrouvais pas.

Le grand Walt m’avait servi sur un plateau des idées simplistes, moralisatrices que je n’ai pas retrouvées ni plus tard ni encore aujourd’hui dans l’original. Ce qu’il avait capté par contre qui est présent dans la trame entière de Collodi, c’est un sens du plaisir. Mais le plaisir est tellement plus grand lorsqu’il suit la douleur. Et la douleur, Disney l’avait oubliée.

Disney a popularisé, par intrigue bâtarde interposée, des couleurs légères à nos perceptions de Pinocchio. Le criquet vit, la conscience perdure. Chez Collodi, Pinocchio écrase le grillon à coup de marteau,  son ombre réapparait. Chez Disney, si les adultes sont coquins, ils restent cocasses et bons. Or le Chat et le Renard que Pinocchio rencontre sur sa route ne sont pas de fieffés acteurs-arnaqueurs, se sont des bandits, des assassins, qui le pendent froidement. Chez Collodi, l’adulte trouve son bonheur en monnayant les enfants à un directeur de cirque sadique qui prend plaisir publiquement à humilier dans la douleur ses protégés. Un juge corrompu est acheté d’un mensonge par Pinocchio qui en retrouve la liberté. La différence entre mensonge et vérité n’est pas aussi grande que l’on pourrait le croire. Je ne puis oublier les racines de Pinocchio: Geppetto le taille en hurlant dans un morceau de bois dans l’espoir d’en faire un objet mécanique à montrer aux foules, et grâce auquel il espère s’enrichir.

Il a été dit que « la tâche de Disney n'était pas de représenter le conte de Collodi dans son intégralité sur l'écran mais d'en distiller assez de bonnes aventures pour en faire une histoire simple et satisfaisante ». Or l’histoire originale n’est ni simple, ni satisfaisante. C’est l’histoire de la vie même et elle pose et distille questions sur questions à l’infini sans y répondre et sollicitant du lecteur une volée de réponses concevables, envisageables, imaginables. Et c’est, sans doute, cette habileté à permettre des lectures multiples qui est l’essence même de la longévité et l’universalité du livre et des aventures du petit bonhomme au nez long.

Collodi ne nous dépeint pas un garçon devenu adulte.  Il nous fait deviner, il fait briller, tout le potentiel du devenir. Pinocchio célèbre le devenir au sein d’une communauté, il chante le tracé, grâce à des gestes imparfaits, d’un chemin au milieu d’un monde imparfait.

        Stephen Shank, metteur en scène

POVERO PINOCCHIO

Parabole psychanalytique. Mettre en scène Pinocchio relève du défi. Ce serait comme mettre en scène La Bible, Le Bhagavad Gita, L’Odyssée ou La Divine Comédie.  

En le lisant en ce début du XXIe Siècle, cette œuvre du XIXe m’apparaissait comme une Flute Enchantée où le livret et la musique restaient à composer ; ce serait un chemin initiatique où un garçon apprend à faire des choix et à comprendre ce que c’est devenir adulte. Il trace son parcours sans l’aide d’adultes en qui il pourrait avoir confiance. Il n’y a pas une seule autorité civile, ni religieuse, pas un adulte modèle, exemplaire ou compétent, même décent dans l’œuvre de Collodi selon Wunderlich et Morissey dans leur étude sur le pantin.

C’est une petite fille qui grandit autour de lui, alors qu’il trébuche, qui est la seule à le seconder. La Fée bleue aux cheveux indigo se transforme de petite fille en fille mourante, puis en grande sœur, amante presque, puis mère avant de disparaître. Elle est réaliste. Elle semble parfois froide et distante, parfois tendre. Elle est néanmoins omniprésente et tout autant insaisissable, lunaire, quasi imaginaire avec un don étrange d’ubiquité. Elle n’explique jamais pourquoi elle est là ni d’où elle vient. Elle est sans doute le comment premier de l’aventure, la main qui met l’intrigue en route, la main qui sous-tend : la mater matuta originelle, la déesse de la maturation, de l’aurore, du commencement, de la venue au monde.

Umberto Eco écrira, « …bien qu’écrit avec un langage simple, Pinocchio n’est pas un livre simple… Il ne se limite pas à une morale simple, élémentaire ou basique. … Il nous ouvre plutôt des portes sur une multitude de possibilités. »

L’auteur du Nom de la Rose (qui fut créé pour le théâtre à l’Abbaye de Villers en 2011), a composé un petit livre Povero Pinocchio ! : une collection de jeux linguistiques créés pour ses élèves à l’Université de Bologne. Il s’agissait d’écrire à neuf un épisode des aventures  de Pinocchio en utilisant uniquement des mots commençant par la lettre « P ». Le but ? Améliorer et embellir le vocabulaire des étudiants. Les derniers mots du livre sont : « Paradoxal ! Possible ? Poupée,  primate ? Peste protéiforme ! Peter Pan. Proverbiale parabole pratiquement psychanalytique

Thèmes et approches du jeu. Mon approche restera fidèle à ce que je sais de la vie à ce jour, et aux thèmes éternels et récurrents qui me poursuivent et qui se glanent en larges brassages chez Collodi: la vulnérabilité, le choix, la transformation, le devenir, la filiation, Jonas, la passion, la création, le sacrifice, la lumière, le plaisir.

La compagnie est le chœur antique ; elle donne voix au vieux conteur Toscan qui aurait raconté les histoires avec verve et tendresse autour du feu, ou disant La Divine Comédie de Dante. La compagnie est le chœur au service de la fée au don d’ubiquité, ce sont les artisans improvisateurs de l’intrigue qui se tisse comme celle des mille et une nuits qui n’osent trouver leur fin.

Collodi est d’une grande efficacité : il privilégie l’imagination et une narration d’aventure, qui s’invente au fur et à mesure du déroulement de l’histoire dans une grande économie de moyen. La compagnie devenait l’outil de base évident pour transcrire ce style à la scène : la connivence simple d’un chœur qui met en place, commente, pousse en avant pour plus de septante silhouettes de personnages. Travailler sur une compagnie en bleus de travail qui se transforme et trouve ce dont il a besoin sur le tas serait le parallèle à l’écriture de Collodi. On serait dans un jeu qui se crée au fur et à mesure du spectacle, donc dans le plaisir absolu du jeu et de la création comme Collodi l’avait connu à l’écriture.

Par son économie dans la narration, par des dialogues simples et directs dans un style très graphique, Collodi, comme tout bon conteur, nous mène du verbe au drame psychologique, de la vie consciente à l’inconsciente, d’une mécanique de rappel à la mémoire, et donc au plaisir premier de la scène.

Combiner le brut de bleus de travail rendus uniques, distincts et remarquables grâce à la touche de Thierry Bosquet et les joindre à des personnages imaginaires, fantasques et déraisonnables est la gageure des costumes réalisés chez Costhéa. Ils incarnent la dualité de la narration simple du chœur d’où s’échappent dans un jeu physique des situations incarnées au ton des  images de Duccio, Le Caravage, Daumier, Mozart, Scarlatti, Rossini, Watteau, Goya, Elvis Presley, Gerswin, et encore …

        Stephen Shank, metteur en scène

LE METTEUR EN SCÈNE : STEPHEN SHANK

Stephen Shank est né en Belgique de parents américains. Il est basé à Bruxelles, d'où il travaille comme metteur en scène et comme acteur. Il a déjà réalisé cinq mises en scène à Villers-la-Ville : Images de la Vie de Saint François d’Assise de Michel de Ghelderode (1998), La Reine Margot d’après Alexandre Dumas (2001), Les Misérables d’après Victor Hugo (2002), La Balade du Grand Macabre de Michel de Ghelderode (2006) et Le Nom de la Rose d’Umberto Eco (2011).

Stephen Shank a appris à cirer un parquet grâce à madame Andrée ; à coudre un ourlet grâce à mademoiselle Pauwels ; à planter une pomme de terre grâce à Marcel; à voir et sentir la différence entre un pronom démonstratif et un pronom possessif grâce à mademoiselle Verdoodt ; à poser les questions pointues sur son propre travail grâce à madame Cancelier ; à voir le beau en toutes choses grâce à son père et sa mère qui lui imprimèrent aussi le sens de la tendresse, le goût des mots et de leurs sens multiples ; il a appris à rire fort et souvent grâce à ses frères et soeurs, à admirer l'homme grâce à Jacques et Jean ; il continue à apprendre à jouir de l'instant, à ne pas juger et à rire encore et encore grâce à ses enfants. Et de sa grand mère maternelle, il a appris qu'avoir des grands pieds donnent une fondation solide à la vie.

Son travail est décrit comme physique, puissant, musical et imagé. Il parcourt le grand répertoire tout comme il est friand de textes littéraires qu'il adapte à la scène. Il tourne depuis sept ans en France, de théâtres en milieu carcéral, avec un monologue émouvant et dérangeant, Voilà, une fausse histoire vraie, la tranche de vie d'un homme qui se détricote dans les vapeurs d’alcool.

Pour DEL Diffusion, il a également mis en scène Les Misérables de Victor Hugo au pied de la butte du Lion de Waterloo à Braine-l’Alleud (septembre 2011).

Le saut de côté crée l’identité.

Jean-Claude Blanc (Collection du T.P.R., 1983)

UNE PRODUCTION DE DEL DIFFUSION VILLERS

Avec le concours de
Le Ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Service du Théâtre)
Le Commissariat général au Tourisme de la Région wallonne
La Province du Brabant wallon
L’Abbaye de Villers
L’Administration communale de Villers-la-Ville
Le Syndicat d’Initiative
La Régie des Bâtiments
La Direction générale de l’Aménagement du Territoire, du Logement et du Patrimoine de la Région wallonne

Avec le partenariat officiel de
AUDI FINANCE – DUVEL – VALENS – JCB-GAM – ORES – LA LOTERIE NATIONALE – LA UNE – VIVACITE – OUFTIVI – TV COM – VLAN BW – LE SOIR – LE VIF/ L'EXPRESS

Avec la collaboration de
HECHT – PLANTIN – RENT A CAR – VISA/ MASTERCARD – CULLIGAN – DE CONINCK WINE & SPIRIT